Sur une idée originale de Pascalle Monnier : une autobiographie fictive.
2023
Dans une autre vie :

Naître et être femme.
Se prénommer Amandine ou Mathilde.
Vivre l’année de ses trois ans à Dakar (mais ne pas s’en souvenir).
Habiter une partie de son enfance dans le bâtiment F de la cité de la Pierre-Collinet[1] à Meaux (77).
Apprendre le solfège et la flûte traversière dès le plus jeune âge.
Connaître ses tables de multiplication sur le bout des doigts.
Avoir une belle écriture en toutes circonstances.
Enfant, apprendre à skier à Font-Romeu (66).
Quelques années après : apprendre à skier à ses parents.
Jouer à la Game Boy.
Se souvenir des promenades dans le cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois (91).
Être incollable en orthographe, grammaire et conjugaison.
Vivre l’année de ses dix ans à Tunis (et fréquenter l’école française Robert Desnos[2]).
[1] - Jean Ginsberg architecte
[2] - Mohamed Ali Ben Soltane architecte


Porter en 6e et en 5e des chaussures Reebok Freestyle noires.
Porter en 4e et en 3e un survêtement Adidas Adibreak violet.
Avoir un sac à dos Eastpak de couleur (et le changer tous les deux ans).
Ne pas attendre le lycée pour se faire élire déléguée de classe.
Malgré sa peur, faire des stages de catamaran, tous les étés à Saint-Gilles-Croix-de-Vie (85).
Mettre au point avec sa meilleure amie, un alphabet codé pour pouvoir communiquer sans être comprises des autres.
Faire son stage de 3e dans une imprimerie.
Ne pas attendre l’âge de quinze ans pour partir en colonie de vacances.
Commencer ado à lire de la fantasy (et commencer de cette façon à prendre goût pour la lecture).
Continuer adulte à lire régulièrement de la fantasy (et pouvoir ainsi échapper à loisir à notre monde).
Jouer à AD&D (avec une prédilection pour les personnages d’elfes).
Préférer Blandine (archange des rêves) à Dominique (archange de la justice).
Réussir à faire des bulles de chewing-gum.

Tenter, sans grand succès, le saut en hauteur (mais devenir fan malgré tout, quelques années après, de Tia Hellebaut et de Blanka Vlasic).
Participer de temps en temps à des matchs d’improvisation théâtrale, organisés par Déclic Théâtre à Trappes (78).
Tenir sans faille un journal intime.
Même tardivement, porter un appareil dentaire pour ne pas avoir à complexer plus tard.
Être fan (au moins un temps) de Nicola Sirkis.
Jouer à Civilization II sans tricher.
Boire du cappuccino.
Avoir des petits seins pour ne porter que des brassières (ou rien du tout).
Porter tour à tour les parfums Kenzo Time for Peace, Flower By Kenzo et Chloé.
Apprendre à scratcher sur une platine vinyle.
Se passionner pour la littérature russes (Gogol, Dostoïevski, Tolstoï et Tchekhov en tête).
A défaut d’aimer : ne pas redouter de jouer au Scrabble et autres jeux de lettres et de mots.
Avoir sa période gothique.

En première, arborer une coupe undercut.
En terminal, se teindre les cheveux en bleu.
Connaître la liste des 101 départements français, leurs numéros et de leurs préfectures.
Avoir de la répartie.
Commencer adolescente à jouer à Tomb Raider.
Continuer une fois adulte.
Appliquer à la lettre les préceptes du Manuel d’Epictète.
Ne pas cesser de faire des rêves lucides.
Toujours les noter scrupuleusement.
Prendre plaisir à conduire.
Voir (et apprécier) tous les épisodes de toutes les saisons de Buffy contre les vampires.
Avoir un groupe sanguin rare (B- ou AB-).
Réussir à démontrer (en peu de mots) que le temps n’est qu’illusion, et de ce fait, qu’il n’existe pas.
Obtenir son baccalauréat littéraire (avec mention bien).
Faire Sciences Po et Langues O.

Se teindre les cheveux en roux le temps des études.
Loger deux années durant, au Foyer des lycéennes[3], rue du Docteur Blanche (16e).
Sans originalité, préférer Aragorn à Boromir.
Jouer les cartomanciennes auprès de ses camarades (avec le jeu de Tarot de Marseille familial).
Lire la série des Harry Potter en anglais.
Préférer Annette Messager à Sophie Calle.
Intégrer (comme flûtiste) le Choeur et Orchestre de Sciences Po.
Jouer aux cartes Magic quelques temps.
Utiliser régulièrement des mots rares et précieux.
Pour se faire un peu d’argent de poche : devenir ouvreuse au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines[4] (78).
Connaître et reconnaître les principales constellations.
Voter Lionel Jospin au premier tour des présidentielles.
Admirer Romy Schneider.
Déstresser en allant à piscine chaque semaine.
Préférer le crawl à la brasse.
[3] - Urbain Cassan architecte
[4] - Stanislas Fiszer architecte


Avoir un petit piercing au nez.
L’enlever quelques années après, et en garder une petite cicatrice.
Entre tradition et modernité : fréquenter les salles de lecture de la bibliothèque Sainte-Geneviève[5] et de la bibliothèque François Mitterrand[6].
Se découvrir lesbienne à l’âge de vingt ans.
Profiter à outrance du tarif jeune de l’Opéra et de la Philharmonie de Paris.
Fréquenter assidûment les deux boulangeries - pâtisseries - traiteurs yiddish de la rue des Rosiers.
Garder précieusement son Nokia 3410.
Se tenir droite en toutes circonstances.
Sans pour autant en faire soi-même : comprendre les contrepèteries.
Craquer, et s’offrir un vol à bord de Concorde (avant que cela ne soit trop tard).
Faire les vendanges à Rilly-la-Montagne (51).
Aller voir le groupe Dolly à La Ferme du Buisson (77).
Partir une année en Erasmus à Dublin (avec sa meilleure amie).
[5] - Henri Labrouste architecte
[6] - Dominique Perrault architecte


Participer à une installation de Spencer Tunick.
Suivre l’activité musicale de la flûtiste Magali Mosnier.
Loger deux années durant, à la Fondation Suisse[7] de la Cité Internationale Universitaire de Paris.
Avoir la main verte.
S’acheter un tamagotchi (et s’en occuper quelque temps).
Constituer (et peindre minutieusement) une armée Rois des Tombes à Warhammer Battles.
Réaliser un carnet de voyage à l’occasion de chaque séjour à l’étranger.
Rendre visite à sa soeur, vivant un temps en Guyane.
En profiter pour assister au décollage d’une Ariane 5 depuis la salle Jupiter.
Pour se faire un peu d’argent de poche : poser comme modèle vivant aux Beaux Arts[8].
Réussir à jouer Badinerie (BWV 1067) de Jean-Sébastien Bach sans partition.
Sur un coup de tête, partir visiter la ville fantôme de Pripyat (après avoir découvert le road-trip à moto d’Elena Filatova).
[7] - Le Corbusier & Pierre Jeanneret architectes
[8] - Félix Duban architecte


Partir une année en VIA (Volontariat International en Administration) à l’ambassade de France à Alger, service immobilier.
Passer ses vendredis après-midi au Jardin d’essai du Hamma.
Exercer continuellement sa mémoire à court terme.
Se souvenir aussi des odeurs.
Être invitée (sous Chirac) à la garden-party de l’Élysée[9].
Ne pas manger plus que de raison.
Suivre passionnément les courses de la NASCAR Cup Series.
Lire et apprécier les livres de Pierre Bergounioux (La demeure des ombres, Miette et La bête faramineuse notamment).
Ne porter que des créoles, de différentes tailles, selon les humeurs et les occasions.
Se maquiller uniquement les yeux d’un trait d’eye-liner.
Militer activement pour Ségolène Royale en 2007.
Se demander par la suite pourquoi l’avoir fait.
Finir par comprendre.
Ne pas considérer la colère comme un échec ; la penser comme parfois nécessaire.
[9] - Armand Claude Mollet architecte

Réussir (de justesse) le concours de Conseiller des Affaires étrangères, cadre d’Orient, section Maghreb, Moyen-Orient, Afrique.
Avoir son premier poste (en qualité de deuxième secrétaire) à l’ambassade de France à Cotonou[10].
Espérer un jour un poste à Addis-Abeba, à Beyrouth, à Jérusalem, à Kinshasa et à Tunis.
Cesser de dormir avec une peluche lors de sa première prise de poste à l’étranger.
Réussir à ne pas s’inquiéter, ni pour tout, ni pour rien.
Tout comme sa doctoresse, se faire offrir un stylo plume Montblanc.
Le garder tout au long de sa carrière.
Écrire d’un seul jet, sans avoir à formuler des phrases dans tous les sens avant de choisir la moins mauvaise.
Ne pas être envieuse des gens que l’on admire.
Être suffisamment assidue et persévérante aux cours d’Aïkido pour pouvoir porter un jour le hakama.
Savoir s’habiller autrement qu’en noir et blanc.
Porter du wax sans se poser de question.
Se construire une solide culture en peinture orientaliste (et en particulier à propos de l’oeuvre d’Henriette Browne).
[10] - Henri Chomette architecte

Participer au Raid 4L Trophy.
S’abonner à Jeune Afrique.
Apprécier Rama Yade pour de bonnes raisons.
Jouer assidûment au Go (et espérer un jour atteindre le niveau 10 kyu).
Réussir à lire les bandes dessinées en prenant son temps.
Comme au cinéma, mettre dans les moments opportuns de sa vie, de la musique et des ralentis.
Garder ses cheveux blonds, même adulte.
Porter des dreadlocks et des tailleurs (à l’image d’Amanda Lind, la ministre de la culture suédoise).
Cesser de dire voilà à tout va.
Se syndiquer (certainement à la CFDT).
Attraper inévitablement le paludisme.
Faire des crises de temps à autre, et séjourner pour l’une d’entre elles, à l’IHU Méditerranée Infection[11] de Marseille (13).
Lors d’un voyage en Inde, séjourner plusieurs jours à Auroville.
S’initier au kayak en eau vive, sur la Cure, en compagnie de son kayakiste de frère.
[11] - AIA architectes

Avoir la diplomate Hélène Le Gal comme mentore professionnelle.
Lâcher prise en toutes circonstances.
Fumer (occasionnellement) la pipe héritée de son arrière-grand-père.
Préférer les Opinel aux couteaux suisses.
Utiliser quotidiennement d’autres figures de style que le zeugma.
Avoir son pass annuel au musée du Quai Branly[12].
Militer sans faille chez Greenpeace.
Au fil des années, devenir anarchiste et arrêter de voter aux élections.
Continuer à écouter de temps à autre, Radio Libertaire, malgré l’arrêt de l’émission des libres penseurs Ni Dieu ni Maîtres, le dimanche matin.
N’écrire que des petits livres (n’excédant pas les cent pages).
Comme Amélie Nothomb, en écrire un par an.
Jouer le plus sérieusement possible à Flight Simulator, et s’imaginer faire une carrière de pilote de ligne chez Air-France.
Prendre le temps de tester les quarante-et-une piscines municipales de Paris.
Toujours finir les projets en cours.
[12] - Jean Nouvel architecte

Préférer Marguerite Yourcenar à Marguerite Duras.
Visiter le jardin du paysagiste Pascal Cribier à Varengeville-sur-Mer (76).
Passer quelques nuits dans le tableau-refuge Carré rouge de Gloria Friedmann à Villars Santenoge (52).
S’initier à l’équitation avec sa petite soeur devenue écuyère.
Se faire opérer des yeux pour ne plus avoir à porter de lunettes.
Porter des ballerines et des cols Claudine.
Franchir les murs du 141 boulevard Mortier.
Avoir comme chef de poste le sosie (sur le fond et la forme) de Jean-Pierre Darroussin.
Connaître une vingtaine de proverbes ouest-africain (à base de noix de coco, d’anus d’éléphant et de baobab).
Savoir les ressortir dans les situations idoines.
Ne pas faire d’achats compulsifs de livres et de bandes dessinées.
Se mettre au triathlon à la suite d’une rupture amoureuse.
Prendre l’habitude d’attacher ses cheveux avec un bandeau.
S’apercevoir, bien des années après, de sa ressemblance avec Simone de Beauvoir.

S’acheter un grand studio à Paris, rue Elzévir (3e).
Ne pas redouter de sortir la perceuse.
Concevoir et construire ses propres meubles.
Contribuer régulièrement à Wikipédia, en rédigeant notamment les articles détaillés et circonstanciés des ambassades de France, des piscines parisiennes et des albums de Yoko Tsuno.
Rester insensible à l’accession diplomatique fulgurante de Boris Boillon.
Rester également insensible au moment de sa chute quelques années après.
Réussir à choisir entre : porter deux montres (une à chaque poignet), ou aucune.
Ne plus considérer le sommeil comme une perte de temps.
S’octroyer de ce fait, plus de temps pour dormir.
Ne pas attendre l’âge de trente ans pour écouter France Culture.
Se pacser avant de se marier.
Ne pas réveiller sa compagne en pleine nuit, à cause de cauchemars récurrents.
Assumer son côté vintage : écrire exclusivement sur des carnets japonais Apica Note Book.
Studio Elzévir
aménagement d’un grand studio de 41 m² rue Elzévir à Paris
Autoportrait fictif
acrylique sur papier - 35x50 cm
Porter des Ray-Ban Aviator comme Jessica Chastain dans Zero Dark Thirty : avec classe, mais sans ostentation.
Connaître le temps qu’il nous reste à vivre, afin de pouvoir l’organiser comme bon nous semble.
Ne pas rester dubitative devant les dessins de J. J. Sempé : les comprendre tous.
Être subjuguée par l’exposition Les papesses à Avignon (84).
Relier Moscou à Vladivostok en Transsibérien avant que cela ne soit trop tard.
Savoir converser sans effort (en particulier avec les chauffeurs de taxi).
Parler un anglais fluide et sans accent.
Parler arabe et hébreu sans trop de difficulté.
Avoir quelques notions de créole.
Faute de pratique, ne plus savoir parler le swahili.
Réussir à ne pas regarder tous les épisodes d’une série en une seule soirée.
Les savourer, les uns après les autres, soir après soir.
Comme Forest Whitaker : déambuler la nuit en voiture de luxe, dans les rues de la ville; en écoutant du RZA.

En finir avec le manichéisme : voir le monde en nuances de couleurs.
Faute de pouvoir traverser le canal de Suez à bord d’un supertanker : le faire à bord d’un porte-conteneurs CMA CGM.
Ne pas appréhender avant de téléphoner.
Au fil des années, réussir à devenir complètement végétarienne.
Aller à New-York en cabine 100% business de La Compagnie.
Marcher dans les pas de Sylvia Broome dans les couloirs feutrés du siège des Nations Unies.
Séjourner au TWA Hotel[13] situé dans l’aéroport de New-York JFK.
Participer aux Ateliers de Maîtrise d’OEuvre Urbaine à Nouakchott.
Cheminer longuement auprès de la rabbine Delphine Horvilleur et du philosophe Marc-Alain Ouaknin.
Se convertir au judaïsme (libéral) à l’âge de trente-trois ans.
Fréquenter quand même les protestants (par l’entremise de son épouse), et en particulier l’Oratoire du Louvre (aux grandes heures des pasteurs James Woody et Marc Pernot).
Dessiner raisonnablement bien (à minima comme David Mangin).
Chanter suffisamment juste (pour pouvoir le faire avec allégresse à la synagogue).
[13] - Eero Saarinen architecte

S’acheter une grange de campagne au fin fond de l’Île-de-France.
La transformer peu à peu en Base Autonome Durable (BAD).
Savoir reconnaître les plantes et les arbres les plus communs.
Craquer, et acheter une belle et ancienne Renault 4L.
Faire ses courses au marché plutôt qu’au supermarché.
Manger cinq fruits et légumes par jour.
Comme les belges, utiliser septante, octante et nonante.
Sur une idée de François Sureau : devenir officier de réserve dans la Marine nationale.
Rendre visite à une amie graphiste, pensionnaire à la Villa Médicis[14] à Rome.
En profiter pour voir Christophe en concert presque privé.
À l’invitation d’une connaissance, jouer un troisième rôle dans un film au succès d’estime.
Jouer les puriste, en respectant scrupuleusement les températures de l’eau pour la préparation des différents thés.
Tester le yoga et le roller derby, mais ne pas donner suite.
Ne pas s’angoisser pour le futur.
[14] - Giovanni et Annibale Lippi architectes

Comme les tontons et la nièce de l’Afrique Enchantée, cultiver amoureusement l’optimisme.
De temps à autres, faire des retraites spirituelles chez les Diaconesses de Reuilly à Versailles (78) (et y apprécier à cette occasion l’éclectisme architectural des lieux).
Écrire en mode tragi-comique, l’histoire de l’expédition natobholaise ratée en Antarctique.
Ne pas culpabiliser de ne pas faire de sa vie un rêve et de ses rêves une réalité.
Aimer passionnément son travail.
S’y donner corps et âme.
Aimer cela.
Pour se détendre, écouter sans fin la musique de Clara Schumann.
Collectionner les nombreux Lego Technic de chantier.
Se faire photographier au studio Harcourt.
Correspondre avec des femmes détenues de longues peines.
Réussir à lire la Torah en entier (en français puis en hébreu).
Choisir le nom de sa rue lors d’une consultation communale.
Pouvoir s’endormir sur le dos.

Aller voir Keny Arkana au Paléo Festival.
Ne jamais penser que c’était mieux avant ; c’était différent.
Séjourner dès que possible au Thermes de Vals[15].
Tenter, en vain, une PMA.
Finir par l’accepter.
S’offrir un vélo de triathlon Canyon Speedmax CF 8.
Toujours jeûner avant la fête de Pourim.
Être en poste (en qualité de deuxième conseiller) au moment de l’inauguration du nouveau campus diplomatique français à Nairobi[16].
Ne pas céder aux sirènes du prestige : préférer le crémant de Bourgogne au Champagne.
Craquer, et acheter un beau et ancien Citroën Type H.
L’aménager comme un van pour pouvoir, le temps des vacances, sillonner la France profonde.
Se lever à chaque insomnie, pour ne pas avoir l’impression de perdre son temps (et penser à chaque fois à Marie Darrieussecq).
Préparer du vin de noix aussi bon que celui de Franck Dessomme.
[15] - Peter Zumthor architecte
[16] - Terreneuve architectes


Réussir à courir un marathon en moins de quatre heures.
Soutenir depuis sa création, l’équipe féminine du Paris FC (à Charléty[17] comme à Bondoufle[18]).
Penser Simone Weil (la philosophe) avant Simone Veil (la femme politique).
Savoir apprécier la poésie (et tout particulièrement celle d’Enheduana).
Traduire celle de Kae Tempest.
Ne plus avoir besoin de livres de recettes : savoir cuisiner et pâtisser à l’instinct.
Cesser de dire fermer la lumière au lieu d’éteindre la lumière.
Voler à bord d’un A380 d’Air France avant que cela ne soit trop tard.
Participer aux Ateliers de Maîtrise d’OEuvre Urbaine à Bangui.
Accepter le monde tel qu’il est.
Ne pas renoncer à le changer pour autant.
S’initier au soufisme par la danse des derviches tourneurs avec Rana Gorgani.
Repérer par soi-même, Les dessous lesbiens de la chanson.
[17] - Henri & Bruno Gaudin architectes
[18] - Didier Drummond architecte


Apprendre l’orgue, jusqu’à savoir jouer intensément Master Tallis’s Testament sur l’orgue du temple protestant de l’Étoile[19].
Assister à un match de tennis dans les tribunes du court n°1 de Roland Garros, avant qu’il ne soit détruit.
Ne pas se demander sans cesse ce que l’on deviendra (professionnellement) plus tard : suivre sa voie.
À mi-chemin entre Les Pierres sauvages de Fernand Pouillon et Naissance d’un pont de Maylis de Kerangal, écrire le récit de la construction de la synagogue Cymbalista[20] de l’Université de Tel Aviv.
Entrer dans l’eau de mer sans jouer les frileuses.
Nager un 400 m 4 nages, dans la piscine Olympique de Bamako.
Aller voir Irène Drésel au Trabendo.
Se souvenir des cours de couture, crochet et tricot de sa grand-mère.
Continuer à porter des salopettes une fois adulte.
Envisager à intervalles réguliers, de prendre trois années de disponibilité, afin de rédiger une thèse sur la philosophe politique
(et anarcho-féministe) Emma Goldman.
Ne pas redouter de vieillir.
Prendre des douches courtes et efficaces.
[19] - William Hansen architecte
[20] - Mario Botta architecte


À l’occasion d’un poste en administration centrale à Nantes (44), habiter dans la Cité radieuse[21] de Rezé.
Faire les trajets domicile - travail à vélo (30 min à peine).
Après des décennies à jouer sur une Pearl, faire l’acquisition d’une grande flûte en ut Sankyo.
Apprécier la différence.
Écrire la biographie de Tassin Hangbè, ancienne reine oubliée du Dahomey.
Être interviewée par Christophe Boisbouvier dans l’émission L’invité Afrique sur RFI.
Ne pas oublier les mots de Louis Pernot : Nous devons jouer le jeu de ce monde, mais comme n’étant pas de ce monde.
Actualiser le livre Ladies First, une anthologie du rap au féminin, en rédigeant notamment les articles sur Aloïse Sauvage, Brö, Chilla, Laeti, Joanna, Meryl et Shay.
Avoir une bonne connaissance de l’oeuvre de Jacques Ellul.
Rejoindre sa pensée, tout particulièrement sur l’éthique de la non puissance.
Manger lentement, en dégustant.
Préférer les sorbets aux glaces.
[21] - Le Corbusier architecte

Ne plus craindre pour le reste de sa vie.
Organiser un remake du Déjeuner sous l’herbe de Daniel Spoerri dans les jardins d’une ambassade de France.
Vingt-cinq ans après, participer à la campagne de fouilles qui exhume les restes de cette performance.
Aller au Japon en cabine La Première d’Air France.
Rendre visite à une amie parfumeuse, pensionnaire à la Villa Kujoyama[22] à Kyoto.
Envisager, un temps, de faire le pèlerinage des quatre-vingt-huit temples de l’île de Shikoku (avant de finalement y renoncer).
Avoir comme psy le sosie (sur le fond et la forme) de Philippe Dayan.
Réussir à être régulière dans les séances de méditation de pleine conscience.
Participer au jury du prix du Livre Inter sous la présidence d’Alain Mabanckou ou de Dany Laferrière.
Ne pas s’obliger à avoir une opinion sur tout.
Faire face à sa solastalgie.
S’offrir le tableau Art de vivre d’Hugo Pernet.
Ne pas attendre l’âge de quarante ans pour écouter France Musique.
[12] - Katō Kunio architecte

Suivre attentivement l’actualité des coureuses cyclistes Pauline Ferrand-Prevot et Juliette Labous.
Faire grève pour la première et unique fois de sa vie, en juin 2022.
Prendre les pensées d’Emil Cioran au premier degré.
Ne jamais stresser avant un voyage en train (de peur d’un retard faisant rater une correspondance).
À l’image de Constance Debré, organiser sa vie comme une moniale-soldate.
Écrire à l’encre violette (au sens propre comme au figuré).
Ne pas craindre l’arrivée de l’été (ou plus exactement les épisodes de canicule qui y sont liés).
Aller voir Aloïse Sauvage à l’Olympia.
En hommage à Virginia Woolf, écrire Une ambassade à soi, sur la place (montante) des femmes dans la diplomatie française.
Se rêver parfois en arbitre internationale de football.
Après avoir vu jouer l’équipe féminine de l’ASVEL : accepter enfin de porter du rose, mais uniquement sur des vêtements de sport et avec du noir ou du blanc.
Au basket, à défaut de toujours réussir ses lancers francs, réussir parfaitement ses lay-up.
Assister (dans les rues de Kin ou de Brazza) à un défilé de SAPE.

Poser des petits cailloux sur les tombes de ses proches.
À la manière d’un avocat célèbre : disparaître quelques années.
Entretenir ensuite le mystère sur le lieu et les raisons de cette disparition.
Même seule, aller se baigner à la plage l’été.
Après avoir fait le pèlerinage du Tro Breiz, se rêver druidesse.
Dans le cadre de son travail, visiter une plate-forme pétrolière au large de Port-Gentil.
Se rappeler de bons souvenirs à la lecture de Thérèse et Isabelle de Violette Leduc.
Faire un tour en R5 Turbo sur la boucle nord du circuit de Nürburgring en Allemagne.
Par défi, passer son BNSSA (brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique).
Séjourner une année durant, sur l’île de Kerguelen, en tant que cheffe de district.
À défaut d’en faire, connaître (et reconnaître) un grand nombre de figures de skate.
Acheter un VTT Canyon Spectral 125 CF 8 quelques temps avant de faire le chemin de Stevenson avec (l’âne 2.0).
Au moment de la retraite, se couper les cheveux très court.

Cesser de chercher un sens à sa vie.
Se lancer (en amatrice éclairée) dans l’apiculture.
Relier Paris (75) à Menton (06), en Citroën DS et en suivant la RN7.
Préférer les cerises rouge vif aux noires.
Garder en mémoire gustative les bons cafés, thés, vins, rhums et whiskies.
Comme dans les films : louer un coffre-fort dans une banque (mais pour autant, ne rien avoir à y mettre de valeur).
Continuer tout au long de sa vie, sa collection (commencée enfant) d’opercules de yaourts et d’étiquettes de bouteilles d’eau.
Vivre sa passion pour les îles méconnues : visiter les Açores, Clipperton, Nauru, Sao Tomé-et-Principe, Tromelin…
Regretter (parfois) de n’avoir pas fait des études de direction d’orchestre.
Relire et comprendre Le courage d’être de Paul Tillich
En hommage à Umberto Eco (et son projet de Fragments de la Cacopédie), rédiger des articles détaillés et circonstanciés sur l’histoire de l’agriculture en Antarctique et sur l’histoire des colonies de la principauté de Monaco.
Parcourir le Sentier du Grand Paris dans son intégralité (615 km à pied, 39 jours de marche).

Renoncer (à regret) à conduire une Mercedes-Benz 300 SL.
Fréquenter l’atelier de calligraphie du 16 rue Visconti.
Voir enfin son niveau de calligraphie arabe et hébraïque s’améliorer.
Et apprécier à sa juste valeur le travail de Fabienne Verdier.
S’intéresser à la Kabbale.
Même tardivement, réussir à vaincre son vertige inversé.
Âgée, ressembler à Judi Dench.
Donner tous ses biens, avant de vivre les dernières années de sa vie, en ermite dans les montagnes de l’Atlas marocain.
Se rapprocher ainsi du vrai luxe : ne plus avoir de clefs, ni de portable.
Ne pas renoncer à son rêve d’ado, de mourir à l’âge canonique de cent-vingt ans.
Cesser de craindre une éventuelle réincarnation.
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