Sur une idée originale de Lætitia Bianchi :
biographies de grandes femmes et grands hommes, constituées uniquement de faits anodins et anecdotiques.
2016 à 2018
Colette Besson
1946-2005
Le 7 avril 1946, Colette Besson naît à Saint-Georges-de-Didonne. Avec son frère, elle confectionne un sautoir en hauteur dans le jardin de la maison : J’en avais tellement envie que mon père n’a pas hésité à sacrifier plusieurs rangs de fraisiers pour installer ce sautoir racontera-t-elle plus tard. âgée de 19 ans, elle réussit le concours administratif de la préfecture de la Seine mais rate celui du Centre régional d’éducation physique et sportive. Elle tient à jour un cahier d’entraînement en papier vélin d’Angoulême dans lequel elle collera plus tard des photos de Dave Bedford en train de courir. à l’été 1968, lors de son entraînement à Font-Romeu, elle s’installe dans une tente au camping du Menhir. Dans une lettre à ses parents elle écrit : Depuis quelques jours, il fait très chaud. Je suis brune même en évitant le soleil. Elle confectionne régulièrement des sandwichs pour son entraîneur, interdit de séjour dans le village olympique. À 10h40 du matin Colette Besson prend son destin en main : Je ne pensais pas que cela serait aussi facile, confiera-t-elle. Avant sa victoire olympique, elle mange une cuisse de poulet puis improvise une partie de rami ; après sa victoire elle mange une entrecôte dans un restaurant français. La régie Renault met à sa disposition une R8 pour qu’elle puisse passer quelques jours de vacances à Acapulco, puis le patron d’Europe 1 lui offre une Matra 350 jaune avec son nom peint en lettres d’or. On lui fait livrer 400 bouteilles de grands crus. Lors des championnats d’Europe à Athènes, elle apporte dans ses bagages de l’eau minérale et du foie gras. En 1973 elle s’installe à Épinay et fréquente cinémas et restaurants du côté de Saint-Germain-des-Prés ; elle prend dix kilos : Le cinéma et les sorties c’est beau… mais rien ne remplace un stade plein avec 200 000 regards fixés sur vous. Dans sa cheminée, elle se fait griller des entrecôtes sur des sarments de vigne. Colette Besson s’interroge : Que vais-je devenir ? Elle rencontre son futur époux au Togo, dans un dancing : le Tango. D’abord invitée d’honneur au JO de Los Angeles, elle se retrouve finalement sans accréditation et logée dans un centre à 100 km de la ville. Lors de son voyage de retour de Tahiti à bord d’un avion UTA, elle est surclassée en première. Elle s’adonne au jardinage : tournesols, géraniums, tulipes, roses, oliviers et palmiers. En 1994 elle est invitée au Quai d’Orsay, où elle est autorisée à se garer dans la cour du ministère. Colette Besson devient supportrice du PSG. Elle découvre New York en faisant le marathon, qu’elle bouclera en 4h30, victime de crampes. Lors des JO d’Athènes, elle loge sur un paquebot amarré dans le port du Pirée et rentre en France en jet privé. Tous les mercredis matin, vêtue d’un tailleur, elle prend un taxi. Janvier 2005 : elle séjourne à l’hôtel de la Mamounia à Marrakech. Le samedi 25 juin 2005, elle achète dans un magasin Go Sport une combinaison de plongée. Le 9 août 2005 à 10h du matin, Collette Besson décède chez elle, entourée de son mari et de ses deux filles.
Patrick Dewaere
1947-1982
Le 26 janvier 1947, Patrick Maurin naît alors que sa mère range les costumes de sa troupe de théâtre. Il a trois pères : un géniteur, un qui le reconnait et un beau-père avec qui il vivra. Voulant passer un coup de téléphone au même moment que sa mère, il se bat avec elle. À 19 ans il devient Dewaere, le nom de sa grand-mère. Il monte à cheval et épate la galerie. Pour passer outre l’interdiction de cueillette, il fonce en voiture dans un noyer et ramasse les noix tombées par terre. Il achète une Fiat 124 d’occasion. Il laisse pousser sa moustache et se justifie : J’aimerais être laid et vilain. Il livre des réfrigérateurs pour remplir le sien. Il prend un coup de matraque sur la tête et dira plus tard : Ce jour là je me suis tellement marré ! En avril 1968 il refuse de se marier « par peur des piqûres » et finira par le faire en juillet 1968 « pour se marrer ». Pour échapper au service militaire il se bourre de médocs et fini à l’hôpital. Il prend une lance à incendie pour arroser les spectateurs trop pressés d’entrer. En guise d’enfant il adopte une guenon. Il flanque une correction à Coluche puis console Miou-Miou. Avec Gérard Depardieu ils collent et prennent des pains en provoquant les piliers de bar du Sud de la France. Lors d’un tournage en voiture il s’échappe avec et ne revient que le lendemain. Il achète une Mercedes puis une DS grise. Dans une fête foraine il blesse à la carabine le responsable du stand de tir. Il se prend une baffe mémorable de Lino Ventura. Pour épater son pote Rufus il conduit une Rolls Royce de location, puis achète une Range Rover. Il colle son poing dans la figure de Julien Clerc. Sans s’en apercevoir, il se noirci le visage à la suie, et devient hilare en se voyant dans le miroir. Il s’exprime en peinture : en rouge, puis en bleu. Il envoie une droite à Yves Boisset, son réalisateur, puis l’embrasse. Dewaere 8 réprimande trois jeunes fumeurs de hasch. Il fait des longueurs dans la piscine du Club Med de Dakar. Il sert la soupe aux spectateurs qui attendent dans le froid. Il tente sans succès de traverser le Sahara en moto et en solitaire. Il s’entraîne au stade de la Baie des Champs et fait perdre un match de Championnat à l’AJ Auxerre : J’ai rarement vu quelqu’un d’aussi peu doué ! dira Guy Roux. Il envoie son poing en pleine figure d’un accessoiriste pour une histoire de valise et de banc. Il vole un imper gris au magasin Tati de Barbès-Rochechouart. Il s’achète un smoking et sort du frigo une gigantesque boîte de caviar (de contrebande). Dewaere n’ose pas gifler Bernard Blier, puis s’y résout. Son chauffeur devient son confident. Il veut “casser la gueule” d’un journaliste et le regrettera par trois fois au 20 heures. Après avoir embrassé Catherine Deneuve avec la langue, il attrape une bouteille de Perrier, avale une rasade, se gargarise et crache par terre. Il perd quelques kilos pour pouvoir boxer dans la catégorie “poids moyen” et s’entraine tous les après-midi dans une salle de Saint-Ouen. Le 16 juillet 1982, à 15 heures, il se regarde dans le miroir et se tire un coup de fusil dans la bouche.
Marguerite Duras
1914-1996
Marguerite Duras 1914-1996  Le 4 avril 1914 à quatre heures du matin, Marguerite Germaine Donnadieu naît au domicile familial à Gia Dinh en Cochinchine. À l’âge de cinq ans, lors d’un voyage en Chine, elle assiste à l’enterrement vivante d’une femme adultère. Certains jeudis elle va goûter des confitures chez la mère du curé de Pardaillan. âgée de quatorze ans, elle passe des étés entiers à tirer sur des échassiers, des singes, des caïmans, des panthères et des serpents : C’était horrible, on tuait tout ce qu’on trouvait avouera-t-elle. Elle prend plaisir à regarder ses seins : Mes seins étaient propres, blancs. Marguerite D. embarque sur le Bernadin de Saint-Pierre le 14 septembre 1932 et débarque du Porthos le 28 octobre 1933. Elle pense beaucoup à Dieu, Dommage que je ne sois pas juive confiera-t-elle plus-tard. Par amour pour son père, elle suit des cours de mathématiques en parallèle de ses études de droit. Son premier salaire au ministère des colonies est de 1 500 francs par mois. Le 16 septembre 1938, Marguerite D. est affectée au comité de la propagande de la banane française. Sa mère lui envoie des sacs de riz en provenance d’Indochine. Pour son premier roman elle abandonne le nom du père “Donnadieu” pour “Duras”, le nom de la commune de la maison paternelle. À plusieurs reprises, elle héberge François Mitterrand dans son appartement, qui sera plus tard réquisitionné pour entasser des cannettes de bières puis des invendus de L’Humanité. Elle revendique sa folie : Oui, je suis folle, c’est écrit sur mon front. Par l’intermédiaire de sa voisine du dessus, elle fait livrer chez Gallimard huit cents kilos de papier pour la réédition de son dernier livre. Marguerite D. adhère à la cellule 722 du Parti communiste avant de la quitter, puis d’y être exclue suite à une dénonciation pour inconvenances et ironie trop appuyée. Elle récite à haute voix des passages de la bible, chante Piaf qu’elle connait par cœur et danse seule au milieu du salon sur du Tino Rossi. Elle aime cuisiner le lapin à la moutarde, le porc gras à la vietnamienne, et fait l’aller-retour Paris-Onzain pour aller cuire un steak à sa mère. Anonymement, elle fait publier un manuscrit érotique. Après avoir suivi des cours à l’Institut des langues orientales, elle invente une langue : le shaga. En une année, elle accumule 20 000 francs de contraventions qu’elle demande à son éditeur de payer. Marguerite D. n’accepte les interviews qu’à la condition de faire les questions et les réponses, ne parle d’elle-même qu’à la troisième personne et s’appelle elle-même “Duras”. Elle engage un cuisinier mais trouve sa cuisine à elle bien meilleure, et se remet donc aux fourneaux. Par ailleurs, et selon ses dires, sa soupe de poireaux est la meilleure d’Europe. Un journal féminin lui propose de rédiger les horoscopes, mais elle refusera. Quand elle regarde par la fenêtre, elle voit des veaux à la place des voitures, des poissons dans les bouteilles et des infirmières en smoking. Le dimanche 3 mars 1996 à huit heures, Marguerite D. décède dans son appartement parisien de la rue Saint-Benoît.
Soeur Emmanuelle
1908-2008
Le 16 novembre 1908, à Bruxelles, Madeleine Cinquin naît. Un dimanche de septembre 1914, sur les côtes de Flandre, elle assiste à la noyade de son père : Je pleurais à chaudes larmes car je comprenais que quelque chose de terrible était arrivé. Envoyée en pension, elle est renvoyée quelques jours plus tard. Pour une cuillère d’huile de foie de morue refusée, elle est privée d’aller voir Le tour du monde en quatre-vingts jours au théâtre du Châtelet. À l’âge de seize ans elle a une “petite amourette” avec son professeur de Grec : J’étais naïve à l’époque. En 1929 elle s’installe à Londres pour apprendre l’anglais, mais se trompant de valise, elle arrive au couvent des Sœurs du Purgatoire sans ses affaires. Le dimanche c’est grasse matinée, elle se lève à 5h30. Le 10 mai 1931, elle prend le nom d’Emmanuelle : “Dieu avec nous”. L’été elle fait des excursions dans une magnifique propriété au bord du Bosphore, à une vingtaine de kilomètres d’Istanbul. Atteinte de typhoïde, elle est admise à l’hôpital français tenu par les Sœurs de la Charité : Je me voyais mourir en martyre et voilà que j’agonisais à cause d’une vulgaire maladie. Viendra ensuite une scarlatine aiguë, puis plus tard une bronchopneumonie. Un homme l’attire et lui plaît : Je me suis vue vivant avec lui, heureuse confie-t-elle. À Tunis, Sœur Emmanuelle suffoque et passe les plus sombres années de sa vie : Je suis arrivée à la mauvaise saison. Été 1965 : Sœur Emmanuelle met fin à sa carrière de professeur de lettres. Elle s’initie au yoga et fait ses exercices tous les matins, jusqu’au jour où son carnet d’initiation est emporté par la mer. On lui propose de quitter sa congrégation, elle refuse : Je ne suis pas Mère Teresa. Une dizaine de rats chahutent autour de son lit et la caresse avec leurs moustaches, elle croit alors que ce sont des chats. Son voisin lui vole son réveil. Sous couvert de cours de couture, elle enseigne en cachette la lecture et l’écriture. Lors de la fête d’Adra Maryam, Sœur Emmanuelle se fait tatouer une croix copte à l’intérieur du poignet. À Genève, elle menace de faire un hold-up afin de trouver trente mille dollars. Été 1983, avec Sœur Kathleen elle fait la course pour plonger dans la mer. Elle avoue ne pas savoir cuisiner, à l’exception de son “bouillon” constituée d’eau, de pain, d’huile et de sel : En cuisine je suis nulle admet-elle. Alors qu’elle est surclassée en première lors d’un vol Le Caire - Khartoum, elle ramasse tous les sacs cadeaux contenant brosse à dents, savons et peignes. Le 24 avril 1988, à l’âge de quatre-vingts ans, elle arbitre un match de football. Mai 1991, elle reçoit des mains de la première dame, son passeport égyptien. La première fois qu’elle prend le métro à son retour en France, elle est épouvantée : J’avais l’impression que les gens allaient tous à un enterrement. Ils faisaient de ces têtes ! à Callian, où elle est contrainte de prendre sa retraite, elle collectionne les timbres étrangers qu’elle donne ensuite à Sœur Myriane. Le 20 octobre 2008, Sœur Emmanuelle décède dans son sommeil au cœur d’une nuit d’automne.
Mélanie Georgiades
1980-...
Le 25 Juillet 1980, Mélanie naît à Chypre, dans la ville de Nicosie. Elle aurait pu s’appeler France ou Avgusta. Sur les plages grecques, heureuse, elle baragouine quelques mots d’anglais avec ses tantes, oncles, cousins et cousines. Au travail de sa mère, elle joue à des jeux sur minitel, à cache-cache et aux billes. En 1988, elle danse sur la scène de l’hippodrome de Vincennes, toute de bleu vêtue, un béret à pompon sur la tête, des Reebok Pump au pied. J’étais ridicule avouera-t-elle plus tard. Elle enregistre les émissions radios dédiés au rap sur des K7 qu’elle écoute ensuite en boucle dans son Walkman. Rappant en direct à la radio, l’animateur la prend pour un garçon. Elle se fait virer de son groupe et dépense sans compter des centaines de milliers de francs en fringues, gadgets électroniques et voyages. Mélanie redouble sa seconde et passe son bac en 1999, elle a 18 ans. Mélanie rencontre Jamel dans un grand hôtel parisien et procèdent à un échange de numéro de téléphone. Plus tard, il lui payera repas, fringues et baskets. à Los Angeles, elle est fouillée par des policiers avant de pouvoir rencontrer Snoop Dogg. Mélanie s’enferme chez elle durant cinq jours, se regarde dans la glace, et pour la première fois, se trouve belle. Elle rencontre Amel, s’installent dans une salle de réunion puis mangent un grec : Le feeling est tout de suite passé entre nous confiera-t-elle. Et à force bavardage, sa copine Charlotte rate son train de dix heures du matin. Après une opération bénigne, elle est contrainte au silence dix jours durant et se pose des questions sur le sens de la vie. En décembre 2004, Mélanie rêve de se rendre dans un paysage de carte postale. Elle emménage à Paris, dans un quatre-vingt-dix mètres carrés et appelle Seb pour tout et n’importe quoi. Des plaques rouges envahissaient tout son corps. 2007 : Mélanie nage en Polynésie avec des bancs de dauphins et de petits requins. Elle culpabilise et se demande ce que font les gens quand ils ne travaillaient pas. Un soir, on lui pose des tonnes d’électrodes sur son crâne. Elle reprend une forte dose de calmants aux alentours de vingt heures pour pouvoir dormir. Le lendemain elle se lève tôt et a une envie de manger des croissants. été 2008 : Mélanie lit dix-sept livres : des romans, des policiers et des autobiographies. Lors des Jeux Olympiques de Pékin, elle suit du début à la fin l’épreuve de cinquante kilomètres marche. Elle décide de se responsabiliser et s’inscrit dans une autoécole. Sur un coup de tête, elle se rend à New York le 4 novembre. Elle passe le nouvel an 2009 avec sa copine Charlotte et à minuit elles plongent dans l’eau toutes habillées : Nous nagions dans le bonheur. Elle ouvre la porte de son appartement en grand et serre sa mère très fort contre elle. Mélanie achète des sucettes qu’elle distribue à tour de bras. à l’aube, elle prie sur une aire d’autoroute et devant le cratère de Ngonrongonro, elle fond en larmes. Le 12 décembre 2010, à Dakar, Mélanie décide de mettre sa carrière en pause.
Steve Jobs
1955-2011
Le 24 février 1955, Steve Jobs naît. Il aide son père à monter la barrière du jardin. Il installe dans la maison familiale des microphones pour espionner ses parents depuis un placard. À quinze ans il a sa première voiture, une Nash Metropolitan restauré par son père : À l’époque c’était la voiture la plus ringarde qui soit ! L’année suivante il s’achète une Fiat 850 rouge équipé d’un moteur Abarth. Steve arpente les rues de San Jose et Berkeley à la recherche d’enregistrements pirates de Bob Dylan : À la fin, j’avais plus de cent heures de chansons. Un type lui plaque un pistolet contre son estomac, avant de lui laisser son numéro de téléphone. Pour trois dollars de l’heure, il se déguise en lapin blanc : J’étouffais, je crevais de chaud ; je n’en pouvais plus, à la fin j’avais envie de frapper les gosses ! Steve fréquente un centre zen pour bénéficier de repas végétariens gratuits. À la faculté il sèche les cours obligatoires et prend des cours de danse pour rencontrer de jolies filles. Persuadé que son régime ultra-végétarien constitué exclusivement de fruits et légumes évite la production d’odeur corporelle, il cesse de prendre des douches. En Inde il boit de l’eau non filtré et attrape la turista : J’étais malade comme un chien, avec une fièvre carabinée. J’ai perdu vingt kilos en une semaine. Il vend son combi Volkswagen pour mille cinq cents dollars. Pour soulager son stress il trempe ses pieds dans la cuvette des toilettes. Il achète une vieille motocyclette datant de 1966, une BMW R60/2. Dans le réfrigérateur de l’entreprise, Steve fait remplacer les sodas par du jus bio d’oranges et de carottes de la marque Odwalla. À l’hôtel Carlyle de New York, il se plaint de la variété de fraises et de la qualité des fleurs. Pour réduire les coûts de production, il fait supprimer les jus de fruits Odwalla des réfrigérateurs de l’entreprise. Avec sa compagne, ils assistent à un concert de Joan Baez. Le dimanche 26 mai 1985, Steve marche pendant des heures au milieu des collines, des près et des chevaux qui galopent. En Italie, il parcourt la Toscane en vélo. Printemps 1986, il boit une bière et joue aux fléchettes dans un pub où Lord Byron avait ses habitudes. Reprochant ses goûts vestimentaires, Steve fait livrer à sa sœur des vêtements de la boutique d’Issey Miyake. À l’Okura Hôtel de Tokyo, il commande un grand plateau de sushis à l’anguille, convaincu que cela ne va pas à l’encontre de son régime végétalien. Steve fait installer un four à pizzas dans sa cuisine. Après deux semaines de réflexions intenses et de débats animés, il finit par acheter un lave-linge et un sèche-linge Mièle : Leurs produits sont remarquables avouera-t-il plus tard. Il visite une usine de Dragibus. N’aimant pas l’acier inoxydable des boutons de son Gulfstream V, il les fait remplacer par des modèles en métal brossé. Dans son jardin il fait planter un carré de tournesols. Pour soigner son cancer il s’impose un régime à base de carottes crues et de jus de fruits frais. En 2010 il envoie à Bono du miel de son jardin. Le 5 octobre 2011, Steve Jobs meurt.
Frida Kahlo
1907-1954
Le 06 juillet 1907 (ou bien le 07 juillet 1910), Magdalena Carmen Frida Kahlo y Calderón naît dans la maison bleue de Coyoacán. Elle est confiée à une nourrice indienne qui sent la galette de maïs et le savon. Elle interprète les balbutiements de sa petite sœur et les traduits à ses parents. Demandant un petit avion, ses parents lui offre un déguisement d’ange. Elle s’invente une amie imaginaire à qui elle raconte tous ses tourments. Pour atténuer ses douleurs elle prend des bains d’eau de noyer. Un matin elle vole subrepticement le panier contenant le déjeuner de Diego Rivera. Pour soixante-cinq pesos par mois, elle travaille dans une menuiserie. Le 17 septembre 1925 après-midi, Frida Kahlo perd sa petite ombrelle. Le 5 décembre de la même année, elle déclare : La seule chose bien qui m’arrive, c’est que je commence à m’habituer à souffrir. Pour elle, ses sœurs et ses parents, elle allume des cierges dans la Cathédrale Métropolitaine de Mexico. Tout en s’habillant, elle songe à entreprendre de lire Proust. Pour ses vingt ans, son père lui offre une édition en allemand et en caractère gothique du Torquato Tasso de Goethe. Lorsque son père lui dis d’arrêter de pleurer, elle lui répond : Que veux-tu que je fasse d’autre ? Habillée d’un costume d’homme, elle arbore un œillet rose à la boutonnière. Pour son mariage, elle porte une longue robe à motifs, un serre-tête, une étole et un collier ras du cou. À San Francisco, elle s’installe au 716 Montgomery Street. Lors d’une soirée, elle danse avec Henry Ford, qui complimente sa robe. Frida Kahlo touche son ventre et regarde un calendrier posé sur un meuble. À l’hôpital, Diego lui apporte un livre de médecine pour qu’elle puisse étudier les planches anatomiques. Le 3 septembre 1932, elle reçoit un télégramme en provenance de Mexico. Au Carnegie Hall, elle fait des cocottes en papier en écoutant un concert de Tchaïkovski. En compagnie de Léon Trotski et d’André Breton, elle visite les pyramides et les temples de Teotihuacán, puis va au cinéma dans une salle presque vide. Pour elle, Diego, son père, Nick, Trotski, Cristina et ses enfants, elle allume des cierges à la cathédrale Notre-Dame de Paris. Bien qu’hospitalisée pour une colibacillose rénal et une forte fièvre, elle se réjouit de fréquenter l’hôpital américain de Neuilly parce qu’on y parle anglais. Picasso lui offre une belle paire de boucles d’oreilles. Dans sa maison se côtoient singes, tourterelles, perroquets, perruches, chiens et un petit faon nommé Granizo. Une trentaine de policiers débarquent chez elle et procèdent à une longue fouille : Frida Kahlo sera interpellée et gardée à vue. Au café Figaro dans Greenwich Village, elle commande un cappuccino crémeux ; puis un second. Le 8 décembre 1940 elle se marie une seconde fois avec Diego : Parce qu’ensemble on chante tout le temps ! se justifie-t-elle. Dans son journal elle écrit : J’espère que la sortie sera joyeuse et j’espère ne jamais revenir. Le 13 juillet 1954, Frida Kahlo décède dans son lit d’une embolie pulmonaire.
Théodore Monod
1902-2000
Le 9 avril 1902, Théodore Monod naît à Rouen dans une famille où l’on est pasteur depuis cinq générations. Son père rêve de lui apprendre le chinois. Ses parents écrivent à son propos en août 1904 : Il a une mine lamentable, avec de grands yeux profonds, superbes d’émotion. À l’âge de cinq ans, il sait déjà lire et se fait renvoyer du jardin d’enfants pour impertinence, prétendant en savoir d’avantage que les maîtresses. En mai 1912 il écrit au roi du Zambèze ; ce sera son fils qui lui répondra en lui envoyant deux petits crocodiles en bois. Il se fabrique une station météo avec une pomme de pin en guise d’hygromètre. Lors d’une promenade il achève les souffrances d’un crapaud agonisant. Fasciné par le Tibet, il a envie d’apprendre le tibétain. Il fréquente J. une camarade de catéchisme, qu’il “soutiendra” lors de ses examens de philosophie. Mon hébreu commence à m’intéresser, je me permets déjà quelques critiques sur le texte de Segond écrit-il dans son carnet. Le 21 novembre 1919 il dissèque un système nerveux de merlan et commente : Quite difficult, really ! Il quitte Paris pour Bordeaux en train de nuit, puis alterne festin d’oryx, eau fétide, méchoui de gazelle et mouton faisandé aux teintes verdâtres. Il arrive à Londres à six heures du matin où il apprécie fort le luxe de son appartement qu’il qualifiera de “Passy londonien”. Il s’applique à l’étude de la grammaire arabe et tiendra ces propos : Au fond c’est une langue très simple. Il mange six à huit oeufs par jour. En 1927, six heures durant, il soutient sa thèse de huit cent pages sur les Gnathiidae. Il parle mal allemand, mais le comprend fort bien. Mai 1929 : son thermomètre se casse. Il se rase le crâne et ne garde qu’une crête. Il part en voyage à Courseulles, Bayeux et Rouen. Avril 1934 : il offre les quatre Evangiles à un chef maure, qui le considère en retour comme un “demi musulman”. Il s’ouvre la main gauche avec un bocal qui a éclaté. Le 11 avril 1934 il confesse : Je suis sale, poisseux, hirsute. Soudain son chameau s’arrête et se roule par terre, l’envoyant valdinguer sur le sable. Le parti socialiste lui réclame soixante francs d’arriérés de cotisations, que sa femme sera contrainte de payer. Il envoie une Bible à Amadou Hampâté Bâ et avouera peu apprécier la poésie de Léopold Sédar Senghor. Le 21 septembre 1960, des policiers se présentent à son domicile, mais il vient de partir pour Dakar. Le 13 mai 1968 il marche avec sa femme de République à Denfert-Rochereau. Sa tribune sur “Érotisme et Politique” est censurée. En 1974, on lui demande de se présenter comme candidat à la présidence de la République ; demande qui l’amuse, mais qu’il refuse. Le 17 novembre 1978 il entame une grève de la faim. En mai 1981, il va voir François Mitterrand rentrer au Panthéon. Il récite les Béatitudes tous les jours en langue grecque. Le 09 janvier 1994 à 12h30 il descend de chameau pour la dernière fois, il a 92 ans. Le 22 novembre 2000, dans la matinée, Théodore Monod décède à la maison de santé Claire Demeure à Versailles.
Charlotte Perriand
1903-1999
Le 24 octobre 1903, Charlotte Perriand naît vers 4h00 à l’orée d’une belle journée. Elle arrache les perruques en vrais cheveux de ses poupées : Je n’aimais pas les poupées concèdera-t-elle. Seule dans sa chambre, elle essaye de fumer un cigare de son père, sans succès. Au bal du Moulin de la Galette elle se déguise en tube de peinture : Pas pratique pour danser. Les dimanches se passent à Fontainebleau, à grimper sur les rochers. En 1931 Charlotte Perriand part en URSS pour un grand voyage initiatique, où elle se fait bousculer dans le tramway, partage un dortoir non chauffé avec deux inconnus et achète du jambon après trois heures de queue. Alors qu’elle entreprend le tour de Majorque en canoë-kayak avec des camarades, ils sont assaillis par des cochons sauvages. Dans son salon elle installe des anneaux de gymnastique. Lors d’un bain de minuit dans une mer phosphorescente, elle se dit que la vie vaut vraiment la peine d’être vécue. Grèce, août 1933 : en plein congrès du CIAM Charlotte Perriand s’éclipse six jours pour faire l’ascension du Taygète. À la tombée de la nuit, elle se baigne nue dans le Rhin et se fait emporter par le courant sur un kilomètre. Lors d’une soirée à Saint-Bon elle tente d’escalader un immense vase de Sèvres. Susceptible de devenir un “élément perturbateur”, Le Corbusier lui demande de quitter son agence. Un berger lui offre un petit agneau vivant à rôtir à la broche ; un autre la prend pour un homme. Conduisant sans permis, elle se résout en 1939 à le passer. En partance pour le Japon, elle glisse dans ses bagages son équipement de montagne et ses skis. Sur le bateau elle s’adonne nue à des bains de soleil. En vacances en Indochine, elle part à la chasse au cerf, puis au tigre, mais rentre bredouille. Charlotte Perriand refuse un poste d’enseignante en arts appliqués à l’école des beaux-arts de Hanoï : Je ne voulais pas m’enliser, se justifiera-t-elle. En février 1946 elle rentre en France chargée d’un sac de poivre noir et d’un sac de poivre gris. Après avoir bu de la vésicule biliaire d’un serpent (d’une couleur jaune impérial), elle passe une nuit cauchemardesque. À son poignet elle porte un bracelet de fils d’argent dont Calder est jaloux. Lors d’un match de fléchettes contre des ouvriers d’une usine de Manchester, elle remporte une bouteille de cognac. À San Francisco Charlotte Perriand passe ses soirées à regarder des westerns tout en mangeant des waffles au sirop d’érable. Elle passe tout le mois d’août 1967 dans un chalet solitaire de l’Aiguille Grive et ne sort que le dimanche pour aller cueillir fraises et champignons (parfois mauvais). En mai 68, elle rentre du Japon à Paris avec des sandwichs pour pouvoir nourrir sa fille. En voyant des dauphins dans l’archipel de Tuamotu, elle rêve d’être une petite dauphine. Elle chante l’Internationale à l’Opéra de Pékin et surnomme le catalogue de son exposition rétrospective “mon petit livre rouge”. Le 27 octobre 1999, âgée de quatre-vingt-seize ans et à Paris, Charlotte Perriand décède.
Thomas Sankara
1949-1987
Le 21 décembre 1949, Thomas Isidore Noël Sankara naît à Yako en Haute-Volta, d’une lignée Peul-Mossis. Très bon élève, il s’occupe du potager de l’école et participe à de petites pièces de théâtre. Enfant de choeur apprécié, il fréquente l’église de manière assidue, participe au mouvement scout et envisage d’entrer au séminaire. Il confiera plus tard que sur une île déserte il emporterait la Bible et le Coran. Pour obtenir les jouets de ses camarades il prêche la bonne parole : Il faut me donner ça, car dieu a dit d’aimer son prochain comme soi-même. À onze ans, quatre jours avant l’indépendance du pays, il confectionne un drapeau voltaïque et le hisse à la place du drapeau français de son école. Sa grosse valise sur la tête, il erre seul dans Bobo Dioulasso sans savoir où dormir. Son père lui envoie alors une bicyclette. Dans l’optique de devenir chirurgien il arrête de boire du café pour ne pas trembler lors des futures opérations. En 1966, Thomas est recruté dans une école militaire nouvellement créée suite à une annonce radiophonique. À Antsirabé, il partage la chambre 3 avec six autres promotionnaires. Imbattable aux 5000 mètres et alors qu’il est en tête, il attend son coéquipier pour terminer la course ensemble. Pendant cinq kilomètres il pousse la vespa crevée d’un camarade. Il s’entraîne à déclamer les discours de Modibo Keïta. Jouant de la guitare, il monte un orchestre “Le missile Bande de Po” et anime des soirées dansantes. Il accumule victuailles et bonbons. De passage à Paris, il passe de longues heures dans la librairie du quartier latin “Les Herbes Sauvages”. Contre son gré il accepte un poste de secrétaire d’État, puis mis devant le fait accompli, participe à un coup d’État. Il se rend alors au travail à vélo. Le mardi 17 mai 1983 à cinq heures du matin, cinq blindés entourent sa résidence, Thomas se laisse arrêter et plaisante avec les soldats qui l’entourent. Détenu, il déplace son lit de l’autre côté de la pièce, ce qui lui sauvera la vie. Lors de sa déclaration de patrimoine il déclare posséder un réfrigérateur en panne, deux téléviseurs avec magnétoscope, trois guitares sèches et quatre vélos. Il pratique l’avionstop, en se faisant transporter par les avions officiels des états voisins et remplace les Mercedes étatiques par des R5 noires. Lors d’une visite officielle en France, le protocole le voyant en uniforme veut le mettre avec les autres aides de camp. François Mitterrand dira de lui : C’est un homme un peu dérangeant le président Sankara. Avec lui, il n’est pas facile de dormir en paix, il ne vous laisse pas la conscience tranquille. Dormant peu la nuit, il est adepte des micro-siestes tout au long de la journée. Le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny lui offre une valise remplie de liasses de billets qu’il refuse ; ses collaborateurs le lui reprocheront. Thomas a cette phrase prémonitoire : Si un coup d’État a lieu contre moi, cela ne peut venir que de Blaise Compaoré. Le 15 octobre 1987, peu après seize heures et habillé d’un survêtement, il est assassiné par un commando militaire.
Georges Remi
1907-1983
Le 22 mai 1907, à sept heures trente du matin, Hergé naît. Sa mère l’habille de petites robes et lui laisse pousser les cheveux jusqu’aux épaules. 1918 : Hergé dessine dans le cahier de poésie de Marie-Louise Van Cutsem. Une longue frise dessinée sur une nappe en papier porte le coup fatal à leur romance. 1924 : Découvrant un pendu dans la forêt de Soignes, il récupère la corde qu’il vend par morceaux de vingt-cinq centimètres. 1925 : Hergé déchire accidentellement la grande toile peinte qui tient lieu de décor, lors d’une représentation théâtrale et s’exclame : Tiens, une crevasse ! 1931 : Hergé écrit dans son carnet : Ma vie sans toi n’est qu’un squelette. Un dimanche, Hergé reçoit de son ami Tchang Tchong Jen une série de pinceaux chinois. 1938 : Hergé n’est pas très en forme, il ne fait que dessiner des canons et des mitrailleuses. 1942 : Hergé offre à Edgar Jacobs un des pinceaux chinois offert par Tchang Tchong Jen. 1944 : Après une perquisition de la sûreté de l’état à son domicile, Hergé passe une nuit en prison à la division centrale de la police de Bruxelles. 1947 : Pour son quarantième anniversaire, Hergé somatise, dort mal, ne digère pas et souffre de violentes crises d’eczéma et de furonculose. Hergé écrit à Germaine : Il faut nous dépêcher d’être heureux et de nous fabriquer des souvenirs pour plus tard. 1948 : Hergé contacte dans le plus grand secret le consulat du Brésil puis celui d’Argentine, en vue de s’y installer définitivement. Le Roi Léopold III invite Hergé à déjeuner et lui propose ensuite une partie de pêche. Le père Gall, habillé en sioux, initie Hergé à fumer le calumet selon les rites très stricts des indiens. Germaine l’emmène aux sports d’hiver, où ils n’échappent pas à l’épidémie de grippe. 1949 : Hergé et Germaine auraient adopté un enfant ; quinze jours plus tard ils l’auraient rendu. 1951 : Hergé serait mort selon des rumeurs persistantes suite à l’interruption prolongée de l’album On a marché sur la lune. 1952 : Hergé est au volant de sa Lancia Aprilia qui se conduit à droite et qu’il a dessinée dans Tintin au pays de l’or noir ; Hergé double une petite Renault qui tourne brusquement à gauche ; les deux voitures sont en miettes. 1957 : Hergé pensant à Fanny, Germaine pensant à Bob, ils partent tous deux en croisière d’Anvers pour Casablanca, Rabat, Oran, Alger, Palerme et Rome. 1963 : Hergé peint trente-sept toiles, presque toutes abstraites et qui ne seront jamais exposées : J’ai tâté de la peinture, dira-t-il. 1975 : Après une longue quête de plusieurs années qui le conduit jusqu’à Taïwan, Hergé trouve l’adresse de Tchang Tchong Jen en Chine : celle-ci était inchangée depuis son départ en 1937 et figurait en bonne place dans son carnet d’adresses. 1979 : Tous les quinze jours, Hergé subit une transfusion sanguine complète et déclare en sortant de l’hôpital : J’ai fait le plein ! 1981 : En séjour à l’hôtel Eden Roc d’Ascona, Hergé attrape une double pneumonie et doit être rapatrié. Le 3 mars 1983, vers vingt-deux heures, Hergé meurt.
Yves Saint Laurent
1936-2008
Le 1er août 1936, Yves Mathieu-Saint-Laurent naît à Oran. Dans la cour de récréation il reste seul adossé à un mur : À partir de la sixième, l’école a été pour moi une chose atroce. Le samedi 6 mai 1950, il assiste à une représentation de l’école des femmes de Molière. Yves suit les cours de la Chambre syndicale de la couture, mais ne passera jamais le diplôme. Il s’asperge de l’Eau fraîche de Dior. Boulevard Pereire, il loue une chambre chez une vieille dame qui l’espionne par le trou de la serrure. Yves emménage avec Pierre dans un rez-de-chaussée place Vauban. Après avoir été envoyé sous les drapeaux pour servir en Algérie, il est hospitalisé au Val-de-Grâce le 20 septembre 1960. Il s’enroule un torchon autour de la tête et cri : Regarde, je suis chauve. Il passe l’été 1961 aux îles Canaries où il tente de se tailler les veines. Il échange ses lunettes en fil de fer contre des lunettes aux montures en écailles de tortue de chez Gualdani. Le 29 janvier 1962 il allume un cierge à l’église Saint-François-Xavier. 1963 : Yves s’envole au Japon où il visite les temples zen de Kyoto. Il crayonne une bande dessinée dont l’héroïne s’appelle “la vilaine Lulu”. Il avale quinze cachets d’aspirine d’un coup. Il apprend par coeur le Connaissance des arts n°152 daté d’octobre 1964. La nuit il sillonne Paris au volant de sa Volkswagen Coccinelle noire. En 1967, chez Régine, il danse un slow sur I put a spell on you. À Marrakech, Yves descend dans un hôtel délabré au jardin en friche et au personnel en veste élimée : la Mamounia. Neuf jours après il achète une petite bâtisse dans la médina : “la maison du serpent”. Il ne boit que du Coca-Cola et ne se drogue pas ; c’est en fumant des Camel qu’il se dévergonde. Pour épater la galerie, il attrape une corbeille de fruits qu’il transforme en chapeau. Warhol lui fait écouter des enregistrements du Velvet Underground qu’il trouve rasoir ; en contrepartie Yves lui fait écouter l’École des femmes dit par Louis Jouvet. Hiver 1975 : après avoir fugué, il est retrouvé dans un hôpital du nord de Paris passablement amoché. à Marrakech il acquiert une nouvelle villa baptisée “la maison du bonheur dans la sérénité”. Il passe ses journées au lit à fumer des Kool et des Luky Strike. Le jour de ses quarante ans Yves reste dans son lit toute la journée. Il s’habille d’un complet sombre de banquier taillé à Milan chez Caraceni : La seule chose à me mettre passé quarante ans. Il boit vingt-cinq canettes de Coca-Cola par jour ; puis plus tard mange vingt pommes par jour. Il relit inlassablement le tome IX de la correspondance de Proust. Son chihuahua Hazel meurt d’une piqûre de scorpion. Yves offre des chocolats à son chien Moujik qui mourra de diabète. Ses pyjamas sont commandés chez Charvet par douzaine, ils sont en coton égyptien blanc marqué de ses initiales. En vacances à Tanger il emporte avec lui un seul livre : la biographie de Zidane. En septembre 2007 Yves se pacse avec Pierre. Le 1er juin 2008 à 23h00, Yves Mathieu-Saint-Laurent meurt dans son lit en galuchat.
Bibliographie
Lætitia Bianchi, Petites vies des grands hommes, Le Tigre, 2011
Colette Besson :
Alain Billouin et Jean-Paul Noguès, Colette Besson, la flamme éternelle, éditions Jacob-Duvernet, 2008
Patrick Dewaere :
Christophe Carrière, Patrick Dewaere, une vie, Balland, 2012
Marguerite Duras :
Laure Adler, Marguerite Duras, Gallimard, 1998
Soeur Emmanuelle :
Pierre Lunel, Soeur Emmanuelle, la biographie, Editions Anne Carrière et Robert Laffont, 2006
Mélanie Georgiades :
Mélanie Georgiades, Diam’s, autobiographie, Don quichotte, 2012
Steve Jobs :
Walter Isaacson, Steve Jobs, Éditions Jean-Claude Lattès, 2011
Frida Kahlo :
Rauda Jamis, Frida Kahlo, biographie, Actes Sud, 1995
Théodore Monod :
Nicole Vray, Monsieur Monod, scientifique, voyageur et protestant, Actes Sud, 1994
Charlotte Perriand :
Charlotte Perriand, Une vie de création, Odile Jacob, 1998
Thomas Sankara :
Bruno Jaffré , Biographie de Thomas Sankara, la patrie ou la mort..., L’Harmattan, 2007
Georges Remi :
Benoit Peeters, Hergé, fils de Tintin, Flammarion, 2006
Yves Saint Laurent :
Marie-Dominique Lelièvre, Saint Laurent, mauvais garçon, Flammarion, 2010
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