Installation autour de la "cabine téléphonique" de l'école d'architecture de Marne-la-Vallée.
Hommage à Gotham Handbook de Sophie Calle.
mars 2006
Jour 1 :
J’installe une chaise de la cafeteria, une poubelle, l’affiche de l’installation, six cartes postales SNCF, un stylo bleu, et une feuille pour recueillir les commentaires avec le texte suivant :
« Chers amis, merci d’avoir choisi cette cabine. Vos commentaires nous aideront à assurer le niveau de confort que vous attendez et méritez ».
Le soir, je repasse, le stylo a disparu, aucun commentaire.
Jour 2 :
La chaise n’est plus là, la poubelle a été déplacée ; toujours aucun commentaire. Je remets une chaise de la cafeteria, replace la poubelle, un stylo noir, une boite de cent dix mouchoirs extra doux, le journal Libération du jour, un paquet de chips, une petite bouteille de thé glacé à la pêche, trois gobelets. A la fin de la journée, le paquet de chips a bien été entamé, la bouteille de thé glacé aussi, il ne reste plus qu’un gobelet. Plusieurs commentaires sont écrits sur les feuilles :
« Il manque des coussins et de la musique. Mais c’est sympa. Il manque un annuaire des gens de l’école (et des profs). Merci. »
« Vive les cabines, moi j’en ai encore trop besoin ! C très sympa de le rappeler ! »
« Toi téléphone 11h30, pull bleu et gris, Moi sur marches avec cigarette. Sourires échangés. RDV ce soir, 19h00 ici. »
« Dans la série tu devineras jamais : Pourquoi Claire et Louis sont toujours ensemble ? Parce que s’ils se séparaient, Louis ne verrait plus clair, et Claire perdrait l’ouïe. Vive le téléphone libre ! »
« Au bout du téléphone, il y a votre voix, et tous ces mots que je ne dirai pas… »
« J’hallucine, on est où là ? Dans les chiottes du BDE ??? »

Jour 3 :
La chaise n’est plus là, le thé glacé, les gobelets et le paquet de chips non plus. Je reprend une chaise de la cafeteria, mets à disposition le journal Libération du jour, une nouvelle bouteille de thé glacé, un nouveau paquet de chips, trois gobelets, et un ramequin avec douze Malabars dedans. Aucun nouveau commentaire.
Jour 4 :
La chaise est déplacée, les panneaux aussi. Il ne reste plus que trois Malabars, le paquet de chips n’est plus là, le stylo et le journal non plus. Je remets à sa place la chaise et les panneaux. Je remets un paquet de chips, le Libération du jour, une vingtaine de Carambars et un nouveau stylo. Deux nouveaux commentaires :
« Merci pour les Carambars. »
« ça redonne envie de téléphoner »

A la fin de la journée, les Carambars ont disparu, la boîte de mouchoirs et le Libération aussi. Des nouveaux commentaires :
« Le téléphone m’a mangé »
« Hum ! Trop bon le téléphone ! »
« uneecharpepourdeux@hotmail.com »
« Pour ceux qui n’ont rien à dire, essayez les blagues Carambar ! »
« La première par Totor : C’est un petit ours blanc qui se serre contre sa mère un jour de fort blizzard et qui lui dit : « Maman je t’aime de pluch en pluch ! » »

Jour 5 :
Les panneaux ont bougé, il n’y a plus de thé glacé. Je remets les panneaux en place, je remplace le Libération d’hier par celui du jour, je mets pour la dernière fois, douze Carambars, un nouveau paquet de chips, un paquet de pop-corn caramélisé. Deux nouveaux commentaires :
« Merci pour les carambars »
« Bien les pop-corn. Mais je les préfère salés/beurrés et pas caramélisés »

Quelques heures plus tard, la présence d’une table voisine, avec de nombreuses offrandes culinaires en l’honneur d’une fête libanaise, est source de concurrence déloyale et met ainsi fin à cette installation/ hommage à Sophie Calle. Je laisse un message sur le téléphone :
« Nous avons le regret de vous informer que nous ne pourrons plus continuer à vous servir comme nous l’avons fait. La présence sur une table voisine de divers aliments et sa concurrence ouvertement déloyale a mis fin à l’expérience que nous avons tentée d’apporter... Nous vous remercions infiniment d’avoir utilisé nos services et saluons la générosité de vos commentaires. Au revoir. »
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